Hydroélectricité en France : structures, potentiel et défis

L’hydroélectricité est la plus ancienne source renouvelable d’ampleur industrielle en France. Elle a longtemps constitué la première filière électrique avant l’essor du nucléaire. Aujourd’hui, elle demeure le premier renouvelable du pays avec 49 TWh produits en 2022, couvrant environ 11 % de la production électrique. Cette partie analyse l’état du parc hydro, ses atouts uniques (flexibilité, stockage) mais aussi ses limites (potentiels, conflits d’usage).

Panorama du parc hydroélectrique français

  • Puissance installée : Environ 25,7 GW répartis sur plus de 2 300 installations, dont les plus grandes se situent dans les Alpes (Grand’Maison, 1,8 GW), les Pyrénées (Laprade), et le Massif central.
  • Typologie :
    • Barrage réservoir : production modulable et stockage (ex. Serre-Ponçon).
    • Au fil de l’eau : production plus régulière, moins flexible (rivières).
    • Stations de pompage-turbinage (STEP) : (ex. STEP de La Coche) utilisées pour stocker l’électricité en pompant l’eau en bassin haut pendant les creux de consommation, puis en la turbinant lors des pics.

Principales centrales hydroélectriques (>1 GW) en France

CentraleRégionTypePuissance (GW)Mise en service
Grand’MaisonIsère (Alpes)Barrage réservoir1,81985
Le Cheylas – La Coche STEPIsèreSTEP~1,01979 (mod. 2017)
Bort-les-OrguesCorrèzeBarrage réservoir~0,41952
EguzonIndreBarrage réservoir~0,21926

Sources : EDF, France Hydro Électricité, 2023.

Rôle clé de la flexibilité et du stockage

Contrairement au solaire ou à l’éolien, l’hydraulique (surtout les grands barrages et STEP) offre une flexibilité précieuse :

  • Modulation rapide de la production : permettre le suivi de la pointe quotidienne et le soutien en cas de baisse soudaine du vent ou du soleil.
  • Stockage potentiel : les STEP sont les seules installations à grande échelle capables de stocker l’électricité sous forme d’eau pour la restituer en quelques minutes.

C’est pourquoi, dans la perspective d’une intégration massive du solaire et de l’éolien, l’hydroélectricité joue un rôle de régulateur indispensable.

Limites et défis

  • Potentiel résiduel : D’après un rapport du CGEDD (2022), le potentiel exploitable supplémentaire en France est faible (peut-être +5 GW au maximum) du fait de la saturation des sites favorables et des contraintes environnementales.
  • Enjeux écologiques : Les barrages modifient les écosystèmes fluviaux, entravent la migration des poissons (saumon, anguille). La directive cadre sur l’eau de l’UE impose des obligations de continuité écologique, limitant de nouveaux aménagements.
  • Sècheresses et variabilité : Le changement climatique affecte la disponibilité de la ressource en eau (étiages plus marqués, baisse des précipitations nivales dans les Alpes). 2022 fut une année sèche, réduisant la production hydro d’environ 9 %.
  • Concurrence des usages : irrigation agricole, tourisme (lacs de barrage), fourniture d’eau potable. La gestion multipartenariale devient cruciale, surtout en période de pénurie.

Réformes de la concession et ouverture à la concurrence

La majorité des ouvrages hydro en France appartiennent historiquement à EDF sous régime de concession. L’Union européenne demande depuis des années une mise en concurrence progressive de ces concessions au renouvellement, suscitant des débats sur le caractère stratégique de l’hydroélectricité. Certains acteurs politiques français préfèrent maintenir un opérateur national unique pour la gestion de l’hydro (argument de souveraineté et de cohérence de la gestion).

Résumé d’étude notable : IFRI, « La gouvernance de l’hydroélectricité en France » (2023) – L’étude note que l’hydro joue un rôle stratégique de flexibilité, justifiant un portage public fort. Elle critique la pression européenne à la dérégulation, estimant que la valorisation économique de la flexibilité n’est pas correctement prise en compte dans les appels d’offres classiques.

Conclusion sur l’hydraulique

L’hydroélectricité offre une production décarbonée, modulable et relativement compétitive. Son potentiel supplémentaire est limité, mais il reste crucial de maintenir et moderniser les ouvrages existants pour la flexibilité du système électrique. Les aménagements STEP supplémentaires (ex. projets d’extension en Savoie) pourraient aider à absorber les surplus solaires diurnes. Les tensions autour de la ressource en eau et de la concurrence des usages s’intensifieront avec le réchauffement climatique, nécessitant une planification hydrique plus intégrée.